En ce mois d’août 1944, la France était à feu et à sang. Les armées alliées progressaient, mais dans les campagnes du Sud, l’occupation allemande faisait encore peser une ombre lourde et menaçante. L’histoire du village du Rialet, niché dans les Monts de Lacaune, aurait pu devenir l’écho tragique d’Ouradour-sur-Glane. Mais parfois, au bord de l’abîme, des actes de courage et d’humanité suffisent à inverser le cours de l’histoire.
La veille, la ferme de Sagne Plane, à proximité du village, avait été incendiée par les Allemands. Au matin, des soldats occupaient la ferme en ruines, rassemblant les quelques bêtes qui avaient survécu. Leur but était clair : récupérer du bétail pour approvisionner leurs troupes.
Ce qu’ils ignoraient, c’est que deux pelotons du Corps Franc du Sidobre, ces maquisards aguerris de la résistance, convergeaient déjà vers le Rialet pour tendre une embuscade. En supériorité numérique et bien préparés, les maquisards attaquèrent soudainement. La panique se propagea chez les soldats allemands, pris par surprise. La confusion fut telle que les Allemands s’enfuirent précipitamment, abandonnant derrière eux un blessé, dissimulé derrière un mur, et une vache tuée dans l’affrontement.
Après le repli du maquis, le village, encore sous le choc, se retrouva face à un dilemme : que faire de ce soldat blessé ? Monsieur Houlès, cafetier respecté du Rialet, prit une décision qui allait changer le cours des événements. Avec l’aide de Monsieur Prom, secrétaire de mairie, et de Monsieur Maraval du hameau voisin du Catié, ils firent appel à Mademoiselle Malcuit, institutrice et professeur d’allemand. Ensemble, ils soignèrent le blessé, malgré la peur et les regards inquiets des habitants.
Monsieur Houlès téléphona ensuite à la Kommandantur de Mazamet pour signaler la situation et demander l’évacuation du soldat. En début d’après-midi, trois side-cars allemands arrivèrent au village, transportant un infirmier et un gradé. Le blessé fut emporté sans heurt. Mais ce n’était qu’un répit.
Quelques heures plus tard, la situation bascula. Un détachement renforcé, comprenant des soldats et trois chenillettes, fit son apparition au Rialet. Les officiers, furieux, ne cachaient pas leur intention d’enflammer le village, comme ils l’avaient fait à Sagne Plane, et comme à Ouradour-sur-Glane deux mois plus tôt.
Dans les maisons, la peur se répandit. « Ils veulent faire pareil ! » chuchotaient les habitants terrifiés. Dans les fermes alentours, on s’interrogeait : fallait-il fuir et se cacher dans la forêt, ou rester et espérer un miracle ?
Ce miracle vint sous les traits de Mademoiselle Malcuit. Avec un courage admirable, elle s’avança vers le chef allemand et expliqua, dans un allemand parfait, qu’il ne s’agissait que d’un « accident », soulignant que les villageois avaient porté secours au blessé au lieu de l’abandonner. Ses paroles semblèrent calmer l’officier, qui renonça à ses menaces.
À la tombée de la nuit, les troupes allemandes quittèrent le Rialet, empruntant la route du Pont de l’Arn. Le village avait échappé au pire.
Aujourd’hui, le souvenir de cet épisode reste vivant dans les mémoires. C’était en 1944, à seulement 16 kilomètres d’ici. Une leçon poignante sur la fragilité des destins en temps de guerre, mais aussi sur la force de l’humanité face à la barbarie. Se souvenir, et ne jamais oublier.
Récit de mon grand père Louis Bouisset du Rialet
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